“Il y a tant d’histoires à écrire dans une seule image que chacun y invente la sienne.” – Remy Donnadieu
Beaucoup de photographe pense, à tort, que le développement s’en est allé avec l’apparition du numérique. Il n’en est malheureusement rien et heureusement. Le post-traitement d’une photo reste constitué de trois choses : le développement, la retouche et la caractérisation. C’était déjà le cas avant l’apparition du numérique et cela reste le cas aujourd’hui, avec le numérique. Seul l’ordre des choses est un peu différent et les outils utilisés. Petit tour d’horizon.
Le développement photographique
Commençons d’ailleurs à répondre à cette question : Pourquoi certains photographes pensent que le développement a disparu avec le numérique ?
Aujourd’hui, les APN permettent d’enregistrer les photos en deux formats. Premièrement en format JPG et deuxièmement en format RAW. Si dans le premier cas il s’agit bien d’un format Image visible par tous, le second est quant à lui, un format DATA qui convient de post-traiter afin de pouvoir réaliser un tirage, numérique, c’est à dire produire un fichier JPG, ou physique, c’est à dire imprimer la photo sur du papier photographique ou autres supports. Et oui le fichier JPG n’est en fait qu’un tirage numérique, autrement dit, la version numérique du papier photographique de l’époque argentique. Quand on enregistre ses photos directement au format JPG sur la carte mémoire de son APN, on donne en fait quitus au constructeur de l’appareil photo de développer pour nous la photo selon l’algorithme qu’il aura installé dans l’APN. Ainsi, si on prend une même photo, avec les mêmes réglages mais avec des appareils différents, on n’aura pas la même image au final, les algorithmes des constructeurs n’étant pas les mêmes. C’est algorithme sont destinés à produire une photo avec des valeurs moyennes, que l’on va pouvoir plus ou moins modifier avec les programmes disponibles. Mais tout cela reste très limité et ne va agir que sur l’ensemble de l’image. En effet, l’APN est incapable de savoir que vous souhaitez plus de contraste sur cette zone bien précise de l’image ou au contraire un rendu plus doux avec un contraste atténué.
Les photographes qui pensent que le développement c’est de l’histoire ancienne oublient tout simplement comment fonctionne leur APN et affichent par la même une méconnaissance du processus photographique. Non le développement n’a pas disparu. C’est simplement eux qui ne le font pas, préférant laisser cela à leur APN. A l’inverse, les photographes qui utilise le RAW savent que le développement est toujours là et reste une étape cruciale dans la création d’une photo.
Mais ça consiste en quoi le développement ?
Le développement va consister à optimiser, via un logiciel comme Lightroom, les caractéristiques intrinsèques de l’image. Cela concerne la couleur, l’exposition, le contraste, la luminosité que l’on va traiter via les hautes lumières, les ombres, les blancs et les noirs, et enfin, tout ce qui touche à la saturation des couleurs. On va agir sur l’ensemble de ces éléments de façon généralisée à l’ensemble de la photo mais aussi de façon plus ponctuelle, par zone plus ou moins large.
Et la retouche photo ?
La retouche photo, à ne pas confondre avec le développement, n’est pas apparu avec Photoshop et encore moins avec la photo numérique. La retouche photo existe depuis que la photo est apparue il y a 200 ans maintenant. A l’époque de l’argentique, celle-ci n’était pas faite par les photographes eux-mêmes mais par des retoucheurs qui travaillaient au pinceau et la gouache directement sur la photo ou sur le négatif ou positif. Les retouches photo demandaient un certain savoir-faire technique et extrêmement de doigté. C’était un travail long et minutieux qui coûtait très cher, si bien que peu de personne ne faisaient retoucher ses photos.
Aujourd’hui, le rôle de retoucheur est devenu avec le numérique et les logiciels telle que Photoshop, une des nombreuses casquettes du photographe, même s’il existe encore des retoucheurs professionnels. Mais si les outils ont changé, la philosophie est restée la même, que la retouche soit simple ou complexe. Elle doit améliorer l’image et non la dégrader. Or cette philosophie est souvent mise à défaut par de trop nombreux photographes. Destruction de la structure de la peau, floutage et lisage à outrance, dénaturation du modelé, de la teinte…
La retouche, même si la technique a évolué, demande toujours beaucoup de temps et de doigté si on veut arriver à un résultat probant. Elle ne doit pas être faite n’importe comment et toutes les photos n’ont pas vocation à être retouchées. Bien souvent, un bon développement suffit, surtout si la photo a bien été pensée au départ. Dans ce cas, seule quelques retouches “cosmétiques” peuvent être nécessaires pour supprimer un bouton, réduire un cerne, retirer un cheveu mal placé…
Caractériser son image
Le dernier point du post-traitement c’est la caractérisation. Caractériser une image numérique, consiste à donner à cette image, des caractéristiques similaires à celles que possède le film argentique, afin d’obtenir un rendu plus proche de la photographie telle qu’on la connait depuis presque 200 ans. En effet, un des défauts du numérique c’est de faire des photos aseptisées, plate, sans relief et très linéaire. La caractérisation va donc jouer sur trois aspects qui permettait de différencier les films argentiques : les couleurs (linéarité et saturation), la lumière (dynamique) et la texture (grain).
Le but de la caractérisation va donc être de casser le côté aseptisé et linéaire du numérique en jouant avec doigté sur ces trois éléments de manière quasi invisible ou au contraire en prenant un véritable parti-pris ouvertement typé.
Le tirage photo
Autre terme très mal utilisé depuis l’apparition du numérique, car oui le tirage existe toujours. D’une part, on peut imprimer une photo sur du papier photo, seul moyenne d’avoir les vraies couleurs, contraste de la photo, chaque écran d’ordinateur (et on ne parle même pas des smartphone) ayant des caractéristiques différentes en terme de résolution, de température, de rendu des couleurs… d’autre part, transformer un RAW format de prise de vue en jpg ou autre fichier image, représente un tirage pour le coup, numérique, que ce soit le photographe qui le fait après avoir développé sa photo, ou l’APN directement pour vous donner une photo exploitable de suite, selon les préceptes définis par le fabricant. Faire développer sa photo ne veut pas dire l’imprimer même si à l’époque de l’argentique quand on allait faire développer sa photo, on revenait avec un tirage papier. De la part d’un quidam lambda, cette mauvaise utilisation des mots est compréhensive, elle l’est beaucoup moins de la part de personne qui exercent dans le domaine de la photographie (photographe, modèle,), surtout quand ceux-ci sont des professionnels. Là, cela pose beaucoup plus de question.
Illustration : Développement d’une photo devenue culte de James Dean il y a plus de 60 ans.